Fabriqué à partir de bouteilles en PET, le fil de polyester recyclé voit son usage augmenter d’année en année dans les collections de marques en quête de bons points écologiques.
Le polyester est la fibre la plus couramment utilisée dans l’habillement de tous les jours comme de sport avec une part de marché de 55 % selon la Fédération des fibres synthétiques (CIRFS). Dans sa version recyclée, elle est sans doute la plus connue des fibres « écologiques », car une des plus anciennes ; Polartec ayant développé les premières polaires en 1993 aussitôt mises sur le marché par Patagonia. Son succès à été tel que nombre de consommateurs sont aujourd’hui persuadés que toutes les polaires sont systématiquement faites d’anciennes bouteilles plastiques. Cette image à été soigneusement entretenue par les marques et la distribution promptes à afficher le nombre de bouteilles recyclées dans chaque pièce, avec des chiffres variant de 30 à 50 pour un pull polair
Avec l’aluminium et le verre, le polyester est l’un des rares produits de consommation courante bénéficiant d’un circuit de recyclage industriel. Sa présence sur le marché suit une courbe ascendante, passant de 8 % de la production mondiale de polyester en 2007 à 14 % en 2017, selon l’association Textile Exchange. La tendance pourrait toutefois ralentir en 2018, la Chine ayant mis fin à l’importation des déchets. Les experts s’attendent donc à une baisse de la production et à une hausse du prix du polyester recyclé.
Textile Exchange pousse les marques de vêtements de mode et de sport à augmenter la part du polyester recyclé pour atteindre 25 % du polyester utilisé d’ici 2020. Ainsi 29 entreprises se sont engagées en 2017 et 38 autres en 2018, parmi lesquelles Adidas, Nike, Norrona, Timberland, Volcom...
Dans son bilan annuel sur le choix de « fibres recommandées » de 2017, Textile Exchange place Nike comme le plus gros consommateur de polyester recyclé. Dans son rapport RSE de 2016, la marque au swoosh estimait avoir transformé quelque 4,6 milliards de bouteilles de PET en fil. Décathlon ne se trouve pas très loin, l’enseigne nordiste arrive en 4e position. En 7e et 8e position se placent respectivement The North Face et Patagonia, par qui tout a commencé. La marque californienne a encouragé Polartec à créer des polaires haut de gamme en polyester recyclé ainsi que le producteur de fibres japonais Teijin à mettre au point une méthode de recyclage chimique de vêtements en polyester.
Pionnier de la polaire
Polartec a non seulement « inventé » la polaire au début des années 1980 mais elle est également l’une des premières à avoir utilisé le polyester recyclé à grande échelle. En 2015, le fabricant de tissus techniques annonçait avoir recyclé 1 milliard de bouteilles de boisson post-consommation. Le polyester recyclé est présent dans 60 % de son offre à hauteur d’au moins 50 %. Sous la pression des marques, Polartec s’est engagé à proposer ses produits recyclés au même prix que ceux fabriqués en polyester « vierge ».
Les efforts vis-à-vis de son impact sur l’environnement ne s’arrêtent pas au choix des matières premières recyclées, mais aussi à sa consommation d’eau, en
baisse de 50 % grâce à de nouveaux équipements de teinture et à la réduction de la taille de ses étiquettes, qui lui ont permis de diminuer son utilisation de papier de 60 %. Le fabricant indique par ailleurs recycler 85 % de ses déchets.
Le nouveau tissu Polartec Power Air, que le fabricant présentait au salon Performance Days à Munich, s’inscrit dans l’héritage de la firme américaine : il est réalisé en polyester recyclé et sa structure à triple couches emmagasine de l’air pour tenir l’utilisateur au chaud. Mais outre l’isolation thermique, son principal argument de vente est qu’il est conçu pour ne pas émettre de microfibrilles, qui polluent les cours d’eau du monde entier. Le Polartec Power Air n’est donc ni gratté, ni rasé, ces deux finissages générant de grandes quantités de microplastiques, lesquels passent le barrage des filtres et se retrouvent au fond des océans ou dans le ventre des poissons. « Nous pouvons ainsi réduire le nombre de microfibres créées pendant la fabrication », souligne Gary Smith, Pdg de Polartec. Ainsi, lors de son utilisation « cette maille relâchera cinq fois moins de fibres que d’autres tissus de couches intermédiaires haut de gamme », dixit le fabricant. Adidas a eu la primeur du lancement du Polartec Power Air fin 2018, tandis que Mammut et Houdini devraient présenter des modèles pour l’automne 2019.
Membrane neutre
Composés de plusieurs couches contrecollées (film, tissu extérieur, doublure fine), les tissus imper-respirants figurent rarement dans le haut du classement des textiles écologiques. Mais la membrane Sympatex, en polyester, pourrait profiter de sa composition pour offrir une des rares solutions écologiques dans le domaine de la protection contre les intempéries. Le Pdg de l’entreprise, Rüdiger Fox, est devenu un militant de la cause écologique et saisit toutes les occasions pour mobiliser la filière. Lorsqu’il à été nommé Pdg en 2016, Sympatex avait déjà mis en place une filière d’approvisionnement locale en nouant un partenariat avec Newlife, un polyester recyclé produit par Miroglio en Italie, et des converteurs européens pour réaliser le contrecollage. L’entreprise peut ainsi réduire l’empreinte carbone de ses produits ou la compenser au travers de son accord avec Climate Partner.
Sympatex fait partie des 43 entreprises ayant signé la Charte de l’industrie de la mode pour l’action climatique des Nations Unies dans le cadre de la COP 24.
Dans ses unités de production, le fabricant recycle ses propres déchets post-industriels dans sa membrane qui contient donc une petite part de polyester recyclé. Sympatex développe des laminés dont les textiles de face et de dos sont majoritairement en polyester (vierge ou recyclé). Pour une marque cherchant à améliorer son profil écologique, faire le choix d’un laminé imper-respirant en 100 % polyester recyclé ou recyclable paraît plus cohérent que de choisir une membrane en polyuréthane (PU) ou en polytétrafluoroéthylène (PTFE). Ainsi Rüdiger Fox fait la promotion des vêtements monomatière plus faciles à recycler en fin d’usage, ce qui reste un des principes essentiels de l’éco-conception.
Penser éco-conception
Comme une membrane, une ouate de garnissage ne se voit pas dans un vêtement mais contribue à son confort et à son profil écologique, les deux domaines sur lesquels Primaloft concentre sa politique d’innovation. Le fabricant américain retire de son offre ses isolants thermiques conventionnels lorsqu’il réussit à obtenir avec des fibres recyclées les mêmes caractéristiques techniques et tactiles qui ont fait son succès.
Cherchant à aller plus loin, Primaloft vient de présenter sa première ouate en polyester biodégradable complété par un fil aux mêmes propriétés pour fabriquer des polaires. Certes, si la ouate est biodégradable, les autres matières synthétiques du vêtement ne le sont pas. Mais là n’est pas la seule raison d’être de ce nouveau produit, comme l’explique Mike Joyce, Pdg de la société. Il s’agit de « repenser le cycle de vie total du vêtement. Nous ne savons pas combien de fois le vêtement sera lavé ni où il finira sa vie et dans quelles conditions. Mais s’il contient des fibres biodégradables, les microfibres qui seront émises au lavage et à l’usure ne dureront pas longtemps. » Comme Polartec, Primaloft est conscient de contribuer au problème des microplastiques. « Les premières informations sur leur présence dans les rivières et océans sont apparues vers 2013-2014. Nous nous sommes très vite mobilisés, car ces microfibres arrivent dans la nature par le biais des eaux que nos propres usines rejettent », souligne le patron de Primaloft.
Le garnissage Thermoball en polyester recyclé de The North Face
est développé par Primaloft.
La mise au point de ce fil biodégradable - et recyclé – a nécessité deux ans de recherches et a été accompagné par de nombreux tests et analyses chimiques de décomposition selon les normes existantes (développées pour les plastiques et non pour les textiles). Le fil de Primaloft contient un additif qui va attirer les micro-organismes présents dans les composteurs industriels et décharges (et non le compost au fond du jardin !). Le vêtement se décomposera seulement dans des conditions spécifiques de chaleur et d’humidité (donc pas dans le placard !). Des tests sont en cours, mais selon les données les plus récentes, en 423 jours le polyester standard a perdu 2 % de sa masse tandis que le polyester biodégradable de Primaloft a disparu à 84 %. Après 409 jours dans de l’eau salée, ces chiffres sont de 2 % pour le polyester standard et de 55 % pour la version biodégradable.
Le fabricant travaille à la mise en place d’un écosystème de fournisseurs de composants biodégradables pour vêtements techniques, qui pourrait être présenté à Ispo Munich.
Il n’est pas anodin que les deux grandes nouveautés de la saison, le fil biodégradable de Primaloft et le Power Air de Polartec, aspirent à minimiser l’émission de microplastiques. De son côté, Sympatex finance une étude sur une enduction biosourcée qui ancrerait plus fortement les fibres à la structure du tissu. Autant de signes de l’importance que revêt ce sujet auprès des spécialistes du polyester.
///Sophie Bramel